- Le football : Le « champ de boules » est notre terrain de jeux permanent. Là se déroulent des parties de football interminables. Les gamins débraillés se disputent un ballon de cuir à lacet tendu par une chambre à air qu’un caillou trop pointu peut à tout moment crever. Mon père n’a pas son pareil pour réparer un ballon de cuir, il arrive à le recoudre quand il se déchire, on change ou on rapièce la vessie, on la regonfle et la partie peut reprendre. Il
arrive qu’on admette quelques filles dans ce jeu qui, le plus souvent n’intéresse
que les garçons, ce qui leur vaut le qualificatif de « garçon manqué ».
C’est quelque fois le cas de Jocelyne Juan qui aime bien venir shooter dans le
ballon. Elle raconte « Les parties de foot derrière l'école... maman ne
voulait jamais que j'y aille parce que, comme j'avais eu une crise de
rhumatismes articulaires. Il ne fallait pas que je courre... alors je lui
disais... maman je fais goal, maman je fais goal,
je ne cours pas... ». Sa mère qui ne lui accorde qu’une
confiance limitée, n’est pas dupe, mais la laisse aller lui faisant croire
qu’elle est rassurée. Une fois par an, c’est la fête au village, une ou deux baraques foraines s’installent pour quelques jours sur le « champ de boules ». Les balançoires, petites barques en forme de « pointu » marseillais, attirent les enfants. Le football est temporairement suspendu, mais l’entraînement continue : -
le Pitchak : une pièce de monnaie trouée, quelques chiffons noués
ou des élastiques découpés dans une chambre à air, voici le « Pitchak »
qui se joue aux pieds, deux joueurs ou plus, avec ou sans « terrain ».
Sans terrain, il s’agit de maintenir cette « pelote » sans quelle
touche terre. Les joueurs font des passes au pied, chacun leur tour,
alternativement. On agrémente le jeu en dessinant au sol un petit terrain,
composé de deux parties, séparées par une ligne, une sorte de filet virtuel.
Les joueurs envoient la pelote d’un camp à l’autre, celle ci ne doit pas
toucher le sol à l’intérieur de la zone du joueur. Si c’est le cas,
l’adversaire marque un point. -
Les noyaux d'abricot : Vers la fin du Printemps, apparaissent les abricots :
c’est le moment de collectionner les noyaux qui sèchent rapidement et vont
remplacer les billes. Les noyaux s’échangent, ils font l’objet d’une véritable
cotation, le plus gros, le « galipon » est très recherché car plus
puissant. Usé patiemment sur le ciment des bordures de trottoirs, puis vidé de son amande, le noyau d’abricot fait un excellent sifflet. Mais ceci n’est qu’un usage accessoire de ce précieux don de la nature. Toute un série de jeux s’est développée, les principaux étant « le Chêneau » et « le petit Tas ». Placé de part et d’autre d’un chéneau, dont la fonction première est d’évacuer les eaux de pluie dans la rigole tracée à la jonction du trottoir et de la rue, les joueurs envoient leur noyau qui remonte dans le chêneau et redescend avec force pour s’immobiliser dans la rigole. Lorsqu’il heurte le noyau de l’adversaire, il le capture. Un ou plusieurs noyaux, quelque fois s’immobilisent dans le chêneau : celui qui arrive à en éjecter la totalité, ramasse la mise. C’est à ce moment là qu’on sort le Galipon qui, tel un bulldozer emporte tout sur son passage. Un autre jeu consiste à faire un « petit tas » avec quatre noyaux, la base étant constituée de trois, le quatrième est posé au dessus. Les joueurs s’installent à quelques pas et tentent, comme au jeu de quilles, d’atteindre le tas. En cas de succès, les quatre noyaux sont acquis au tireur, en cas d’échec, le noyau tiré appartient désormais au propriétaire du petit tas. Il
arrive qu’un joueur soit totalement ruiné, ayant misé ou joué jusqu’à
son dernier noyau. Il lui faudra manger quelques abricots au dessert de midi
pour reconstituer son stock. Le crédit n’existe pas et les dons sont rares,
certains amassent de véritables fortunes, qu’ils se refusent à partager. Le
soir à la maison, on compte et recompte son magot pour en mesurer les
variations. - Le Chaouche : Pendant que les parents prennent le frais devant la maison, les enfants se sont regroupés sur le trottoir, assis en tailleur, devant le petit mur. Les plus petits regardent, ce n’est pas un jeu pour eux, le « Chaouche ». Le Chaouche se joue à plusieurs, minimum trois, avec une paire d’espadrilles à semelle de corde. Chaque joueur lance les espadrilles en l’air, elles retombent, on regarde. Plusieurs cas de figure : Une du côté toile, une du côté corde, c’est la moins favorable, il y a faute et donc « punition » Les deux du côté toile, on devient exécutant, celui qui exécute la sentence prononcée contre le malheureux fautif. Les deux du côté corde, on devient « Chaouche », le Chef, celui qui décide du nombre de coups (entre zéro et un maximum à fixer au début du jeu) qui constituent la punition. Le jeu commence après un premier tour pour déterminer les rôles de départ. A chaque lancer, par la suite, une retombée « deux côtés corde », vous permet d’être nommé Chaouch à la place du Chaouch, idem pour « deux côtés toile ». La
« punition » consiste à donner, ou à recevoir un coup de savate
sur la main tendue, sur ordre du « Chaouch ». Suivant sa sévérité
ou sa mansuétude, les coups sont donnés côté corde ou côté toile. Etre très
sévère, c’est s’exposer à quelques représailles lorsque le malheureux
puni, suite à un lancer favorable, devient à son tour Chaouche. Etre magnanime
vous attire les faveurs du puni ou expose votre faiblesse. Le jeu est mixte, il
est en permanence traversé par les relations qui existent entre les
participants. Les rivalités de prestige entre garçons et filles, contenues
pendant la journée, s’expriment tout à coup clairement. La brutalité
apparente de l’action fait place à la subtilité de l’apprentissage des
rapports humains, apprentissage de la vie. - Le couteau :Les garçons aiment bien se retrouver entre eux, un de leurs jeux favoris, est le « jeu du Couteau ». Il se joue à plusieurs, minimum deux, sur terre avec un couteau de préférence bien pointu. La mode est à deux couteaux très différents, le premier est un petit poignard, exacte reproduction de celui dont se servent les plongeurs, il est inséré dans un étui de cuir et se porte à la ceinture. Le second, c’est le fameux Opinel, il se referme sur son manche en bois, étant ainsi articulé, il est moins adapté à ce jeu. On trace un cercle sur le sol. On divise la surface en secteurs, suivant le nombre de joueurs, toujours à partir du centre, comme des parts de gâteau. Chaque joueur se voit attribuer un territoire. Il
plante son couteau à l’intérieur du territoire de l’adversaire, tout en
gardant les pieds sur son propre territoire. Exercice difficile quand le
territoire se réduit ou se morcèle. il est toléré qu’un seul pied repose
sur le sol, l’autre étant maintenu en l’air pendant toute l’opération.
Le couteau planté détermine, dans le prolongement de sa lame, le terrain qui
est annexé par le joueur, et donc, retiré à son adversaire. Lorsqu’un
joueur ne peut plus mettre le pied sur son terrain, il est éliminé. - La Marelle : Les filles, pour leur part, préfèrent jouer à la Marelle, tracée à la craie blanche sur le sol. Différence avec la marelle métropolitaine : pas de « Ciel », les cases sont juste numérotées par ordre d’importance, c’est à dire de proximité. - Les osselets : Elles aiment aussi se retrouver pour une partie d’osselets qui ont été soigneusement mis de côté, nettoyés et séchés par leur maman. -
Le Toboggan : Enfin, elles s’adonnent aussi à des jeux plus sportifs,
l’un des favoris de Jocelyne Juan, mais elle n’est pas la seule (nous
resterons discrets sur ses partenaires), ce sont les glissades sur les immenses
toboggans improvisés que sont pour les enfants … les meules de paille ...
Jocelyne ajoute « personne n'a jamais su que c'était nous qui mettions à
plat les meules ... », maintenant elle ose en parler, il y a prescription ! -
La pêche aux grenouilles : Garçons et filles se retrouvent à nouveau au
bord de la rivière pour essayer de pêcher quelques grenouilles. Armés
d’arcs de leur fabrication (roseaux et ficelles), ils longent les berges en
essayant de repérer leur proie, qui, le plus souvent plus rapide qu’eux, préfère
rejoindre le fond de l’eau plutôt que le petit panier d’osier qu’agite le
pêcheur en herbe, et qui reste désespérément vide. -
Le Bâtonnet : A la plage, se pratique un jeu, que nous appellerons « du
Bâtonnet » lointain cousin du Mikado. On fait un petit monticule de sable
on y fiche un bâton. Chacun à son tour creuse avec précaution et enlève une
poignée de sable en faisant, bien entendu, attention de ne pas faire
tomber le bâton. Plus le jeu avance, plus le bâton devient instable sur sa
base de moins en moins ensablée, jusqu’à ce qu’il tombe, bien entendu.
Celui qui l’a fait tomber doit alors le ramasser … avec la bouche !
il y a, bien sûr, toujours un petit malin qui vous enfonce la tête dans
le sable ... - Le Ballon prisonnier :Dans la cour de l’école, les jeux sont mieux organisés, disciplinés. Les enfants en tablier d’écolier disputent une partie de ballon prisonnier qui reste parfois sans vainqueurs ni vaincus car la cloche qu’agite le maître vient soudain interrompre leur enthousiasme. - Les quatre coins : Sous le préau, les piliers se prêtent magnifiquement aux parties de « quatre coins ». - La cuillère et la fourchette : Le préalable à tous ces jeux qui passionnent les enfants, est de former les équipes. La solution s’appelle « Cuillère et fourchette » c’est la façon, impartiale dans son principe, parfois contestable dans son application, d’équilibrer les forces. L’un des joueurs ferme les yeux et se tient face au mur. Un autre présente, dans son dos, et de manière anonyme, les autres joueurs. « Fourchette » le joueur rejoint la bonne équipe ou « cuillère » et vous vous retrouvez dans l'autre ... Car, il y a bien sûr toujours une bonne et une mauvaise équipe ... Contrairement aux apparences le choix n'est pas tout à fait impartial ... car certains protagonistes arrivent à communiquer malgré tout, on tousse, on siffle, on murmure pour influencer le choix, et au bout du compte, quand on est cuillère on a vraiment l'impression de toucher le fond. Etre fourchette, c’est être du côté des gendarmes, ou du chérif, les cuillères seront voleurs, bandits, ou indiens ! on prend conscience de l’importance de cette orientation. Heureusement, le lendemain quelques fourchettes seront cuillères, et vice et versa. Mise à jour : 29/02/2008
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