On dit que quelques bonnes
fessées ne font pas de mal, elles ont eu le mérite, chez moi, de
m'encourager à ne rien faire ... d'où ma vocation pour le dessin.
A l'école du village où j'excellais déjà dans l'art d'attendre la
sonnerie de la cloche qui libérait nos hurlements, je portais une
attention soutenue à mon papier, mais les additions substituaient
souvent aux chiffres, un lapin sur un chapeau, une bergeronnette la
queue en l'air, sur sa branche. Tout cela au grand désespoir d'une
mère autoritaire qui pouvait manier la ceinture aussi prestement que le
bâton!
Bref, il fallait occuper son temps, et la meilleure façon d'avoir le
nez dans son cahier, c'était d'en arracher quelques feuilles pour y
griffonner la caricature de l'Instituteur ou la trombine des bons
élèves. C'était ma façon à moi de leur adresser un pied de nez !
Au lycée, mon art de ne rien faire s'enrichit de bâtons de craie
que je chipais et qui me servaient à graver la très sainte vierge,
ceci me valait d'avoir des Shorts (car on ne portait de pantalon que
quand on avait du poil au menton), tous blancs au niveau de la
braguette, puisqu'il fallait tailler sous le pupitre, à l'abri des
regards ! Maculé de poudre blanche je gagnais le loisir de revenir en
"colle" perfectionner mon art. La scolarité secondaire étant
très longue, je m'essayais aussi au Pastel.
Et puis, l'exode m'a livré à moi même : adieu les fessées,
bonjour les emmerdes ! Il était temps de devenir adulte. L'art de la
chirurgie dentaire me tendait les bras, j'en fis mon métier. Il fallait
"sculpter" avec prudence et précision, la dentine avait
remplacé la craie et la turbine tourne à une vitesse folle. Le temps
du dessin poursuivait cependant son cours : Il manquait sur mon carnet
d'ordonnances presque autant de feuilles que sur mes cahiers d'écolier.
La retraite après une vie professionnelle bien remplie m'a ramené
à ce que je faisais de mieux : ne rien faire. Et, que faire quand on ne
fait rien ? Dessin, peinture, sculpture au sein d'un atelier que j'anime
bénévolement depuis la fin du siècle dernier (1999), sans jamais me
prendre trop au sérieux !